Fétichisme et romantisme

Les fétichistes sont de nature romanesque et sont souvent de grands romantiques. C’est ce qui m’attire chez eux. Les tabous liés à leurs pratiques sexuelles les rendent encore plus attachants. Ils m’excitent, les gens qui ont mauvaise réputation. Qu’importe au fond si les codes
d’une bienséance à géométrie variable les blâment. Moi, c’est l’hypocrisie ambiante que je tourne en dérision.

J’ai remarqué beaucoup de générosité et d’intégrité entre personnes issues de la scène BDSM. J’ai du plaisir à mettre en lumière des gens sincères. Ils ne seront jamais ridicules à mes yeux. Qu’importe au fond si les codes d’une bienséance à géométrie variable les blâment.

Des chaussures lâchées par terre, des sous-vêtements jetés en boule peuvent signifier le plaisir hors champ. Ils peuvent aussi pointer l’absence de celui ou celle qui les portait et qui n’est plus là. Ces images sont étroitement liées à la manière dont je vois le temps qui passe, le temps passé, le temps qui reste… Il y a dans ces natures mortes une énergie qui circule à l’intérieur. Elles convoquent aussi bien le regard que le corps du spectateur. Elles posent sur le corps vieillissant un visage épanoui. Elles rendent à la mort, ultime tabou, un peu d’estime.

Parmi mes natures mortes, en apparence inanimées, se glisse « des ratés » une série d’abstraits composée de flous. Elle fait émerger une place à prendre ; la place aux doutes et aux mystères. Une place aux fantasmes de l’autre dans notre époque égocentrique. Ces abstraits se composent de corps entrelacés et témoignent d’explicites étreintes. Les tirages, exposés en très grand format, bousculent les frontières entre ce qui révèle du domaine du public et privé. Ces images montrent tout sans rien voir du tout ! Entre chien et loup, des ombres se frôlent et se fondent dans le flou. Ainsi la censure morale se disperse… et se dissout.

Des flous (Marc Martin, 2019).