DIFFÉRENTES SORTES DE VIVANTS

Des cochons et des fleurs

Libertines

“Les plantes, à leur manière, s’envoient en l’air. Pire ! À les regarder de près, les végétaux apparaissent comme débauchés : les fleurs exhibent leurs organes reproducteurs en pleine nature ; fleurs mâles, femelles ou hermaphrodites copulent sans scrupule…”
Dominique Brancher, “Quand l’esprit vient aux plantes”, 2015.

Avant d’oser photographier les fleurs, j’ai longtemps tourné autour du pot. La plume subversive de Dominique Brancher m’a soudain ouvert les yeux : “Le monde végétal présente au grand jour tout ce que notre société condamne !”

En semant un narcisse poète et une jonquille jaune, deux pustules différents mais du même genre, en les regardant vivre l’un à côté de l’autre et vieillir ensemble j’ai été ébloui : c’est beau, les fleurs qui fanent aussi. Mes portraits de boutons dans leur maturité avancée brouillent les frontières “entre flore, faune et humanité.”

Quelques tiges dans un vieux vase me donnent toujours beaucoup de plaisir. J’assume que ce soit suspicieux pour un garçon comme moi d’aimer les renoncules et les tulipes ! Les fleurs flétries penchent vers d‘autres vies. Allégorie du corps vieillissant ou d’une libido mélancolique ? Mes images n’ont pas toutes pour objectif de révéler du sens. Comme le langage n’a pas toujours pour fonction de communiquer une information. Je me régale au cinéma quand je me perds dans un film… Au final, il n’y a pas une mais plusieurs interprétations possibles. La beauté des fleurs, elle, ne change pas.

Libertines (Marc Martin 2022). Série Photographique, fragments.

“L’arbre est le frère de l’homme selon l’historien et écrivain français Jules Michelet (1798-1874) L’arbre gémit, soupire, pleure d’une voix humaine. Vers 1840, nos Français d’Algérie qui en coupaient plusieurs, en furent émus, presque effrayés. Des arbres, même intacts, gémissent et se lamentent. On croit que c’est le vent, mais c’est souvent aussi leur circulation intérieure, moins égale qu’on ne croit, les troubles de leur sève, les rêves de l’âme végétale. L’Antiquité n’avait jamais douté que l’arbre eût une âme — confuse, obscure, peut-être —, mais une âme aussi bien que tout être animé. […] Cette idée orgueilleuse de croire que l’homme seul sent et pense, que tant d’êtres ne sont que des choses, est un paradoxe moderne du Moyen Age.”
Jules Michelet, “La Montagne“, 1868.

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