MARIE-LAURE DE NOAILLES, LA COMÈTE

AUTOUR DE TOMBER DES NU(E)S

Élixir et accroche-cœur

Il y a comme un destin qui met les gens sur votre chemin.
Nathalie Sarraute, Enfance, 1983.

« J’entends une odieuse conversation accablant une artiste qui expose ses tableaux dans une galerie rue Saint-André des Arts : Marie-Laure de Noailles. La façon dont on juge cette femme peintre me donne envie de la connaître. […] Marie-Laure de Noailles, c’est l’éternel divorce entre le monde socialement privilégié auquel elle appartenait sans l’aimer et le monde de l’art qu’elle aimait sans lui appartenir. Marie-Laure pratiquait avec volupté ce que Baudelaire appelle le plaisir aristocratique de déplaire ».

Ces mots du photographe François-Marie Banier sont issus de l’ouvrage 1969 – 1970 consacré entièrement à son amie Marie-Laure. Un ouvrage que Mathis, lors d’un séjour à la Villa Noailles, ramène à Paris. Il sait ma fascination pour la « Comtesse du bizarre », il me l’offre. La préface signée Jean-Pierre Blanc, dit vrai : cet ouvrage est un hymne à la joie. Son fil conducteur témoigne d’une relation d’amitié qui ne ressemble à aucune autre. Les photographies de cet ouvrage montrent Marie-Laure sourire la plupart du temps. Contrairement aux célèbres portraits d’elle réalisés par Man Ray, Dora Maar, Balthus ou Picasso, elle semble ici épanouie et heureuse.

Jacques Grange, qui a décoré la galerie Obsession, nous rend visite pendant l’accrochage de Deuxième round. Il s’arrête circonspect devant cette photographie dans le couloir de la galerie, et me lance : « Marie-Laure était libre, alors pourquoi l’avoir enfermée dans une bouteille ? »

J’ignorais que Jacques Grange et Marie-Laure de Noailles s’étaient bien connus. Alors je bégaye. Je me souviens d’une citation de Marie-Laure qui disait qu’« avec des si on mettrait Jean Cocteau en bouteille ». L’anecdote, visiblement, tombe à l’eau. Alors je m’accroche au port de tête de Mathis sur ce cliché qui fait miroir à celui de Man Ray. Au titre désuet que je lui ai donné : Élixir et accroche-cœur. L’accroche-cœur en clin d’œil à cette mèche de cheveux en forme de boucle, collée sur le front. Quant à l’élixir, potion légendaire qui aurait la vertu de prolonger indéfiniment la vie…  Je ne suis pas sûr d’avoir convaincu Jacques Grange. Mais nous allons parler de Marie-Laure un petit moment. Il m’apprend qu’il est l’auteur de ces clichés qui montrent Marie-Laure chez elle avec François-Marie. Jacques Grange me fait découvrir un portrait de lui réalisé en 1968 par Banier. À l’arrière-plan, Marie-Laure dans ce même salon. Sur ce portrait, le visage de Jacques Grange est magnétique. Il renvoie moins à la beauté d’un Tadzio ou d’un Dorian Gray qu’au romantisme insolent d’un Julien Sorel. La boucle est bouclée.
« Élixir et accroche-cœur  (à Marie-Laure de Noailles) », 2023. Modèle Mathis Chevalier.
30 x 45 cm et 20 x 30 cm (margé). Jet d’encre pigmentaire sur Hahnemühle Rag Baryta 315g. Tirages limités à 5 exemplaires / photographie.

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