ET MES FESSES, TU LES AIMES MES FESSES ?
AUTOUR DE TOMBER DES NU(E)S
Mathis au miroir
— Tu ne peindras pas d’hommes nus.
— Je vais le faire quand même.
Machaelina Wautier, Le triomphe de Bacchus, vers 1655.
Si les rapprochements entre peintures ou sculptures classiques et les photographies de Marc Martin peuvent relever de la vue de l’esprit plus que d’une réalité avérée, il est sûr que Mathis au miroir, allongé nu de dos qui nous montre sa chute de reins… et son cul poilu n’est autre qu’un hommage à la célèbre Vénus de Velázquez. Seul nu du maitre, peint pour Philippe IV, roi d’une Espagne où l’Inquisition n’admettait pas que la chair, condamnée, soit illustrée par le pinceau, la Vénus à son miroir fait exception. Accroché dans les appartements privés du souverain, le tableau était voilé au passage de la reine pour le dissimuler à ses regards. En 1914, la suffragette Mary Richardson lacère la toile au hachoir. Elle s’attaque là à un symbole pour faire avancer la cause féminine comme d’autres aujourd’hui se collent à des chefs d’oeuvres pour rappeler l’urgence climatique. Cette histoire, reprise dans « La Vénus lacérée », épisode du podcast féministe « Vénus s’épilait-elle la chatte ? » de Julie Beauzac, montre combien le tableau et son histoire posent des questions encore actuelles.
En montrant un corps d’homme qui sait se battre dans la pose lascive de la Vénus à son miroir, cent fois reprise de Ingres à Picasso, Marc Martin poursuit sa propre réflexion sur les stéréotypes de genre. Si ce gaillard prenait la parole pour nous demander « et mes fesses, tu les aimes mes fesses ? », ce serait un autre cinéma : celui de Godard qui, dans Pierrot le fou, fait lire à Belmondo, que Mathis Chevalier admire, une tirade d’Élie Faure sur Velázquez.
Claude-Hubert Tatot.
Texte extrait de Tomber des nu(e)s.
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