JONA, RIEN DE MOINS, RIEN DE PLUS
SO WHAT?!
Préface
ANNABELLE GEORGEN
Jouer au bad boy, rouler des mécaniques, planter ses yeux dans l’objectif, cigarette au bec. Sous le regard complice et facétieux de Marc Martin, le photographe qui susurrait à l’oreille des hommes, Jona prend la pose. Sa transidentité, c’est un étendard. Il bombe le torse, affichant fièrement les balafres de sa mastectomie récente. Même si parfois il aimerait bien qu’elle passe au second plan, sa différence.
Jona aime les hommes. Depuis toujours. Plus jeune, il a endossé le rôle que la société avait écrit pour lui : celui d’une fille hétéro, tout en sachant très tôt qu’il n’était ni l’un, ni l’autre. Jona est un homme. Un homme gay. Et un homme trans. Il ne s’en cache pas sur les applis de rencontres, ça lui évite des déconvenues. Son corps ne correspond pas, ne peut correspondre aux critères d’une bonne partie de la communauté gay, globalement peu déconstruite et obsédée par les attributs classiques de la masculinité. Qu’importe. Jona est beau. Il n’a pas de pénis, il a une petite bite qui saille entre ses lèvres. Et « un trou en plus ». C’est lui qui le dit. Pas mal pour un bottom.
Il a aussi ce passé que les autres n’ont pas, encodé à vie dans sa chair. Jona sait ce que c’est que d’être une proie, de se trouver de l’autre côté de la barrière : la prudence toujours de mise, partout, réussir à se dépêtrer de la drague lourde de l’homme hétérosexuel, rentrer chez soi la peur au ventre quand il fait nuit.
Plus jeune, Jona a endossé le rôle que la société avait écrit pour lui…
Cette masculinité toxique, aujourd’hui, il aime en jouer, la surjouer devant l’objectif pour mieux s’affirmer, guidé par Marc Martin, qui poursuit là son travail de déconstruction esthétique et symbolique de la virilité. Marc suit Jona sur le ring, dans la salle de boxe où il s’entraîne, puis l’emmène faire un tour aux vestiaires des hommes, ce huis-clos testostéroné qui hante toute son iconographie : espace d’entre-soi masculin par excellence, où l’on se déshabille et se jauge mutuellement, imbibé d’une homosexualité latente mais puissamment rejetée — et souvent lieu d’angoisse et d’agression pour tous ceux qui s’écartent de LA norme.
Sublimé en lutteur ou en ouvrier du bâtiment (ou bien serait-ce un camionneur ?), Jona exulte d’incarner cette masculinité tapageuse qu’il fut longtemps contraint de ne contempler que chez les autres. Il revendique son droit à exister et à jouir en tant qu’homo trans. Rien de moins, rien de plus. So what?!
Ring the Bell (Marc Martin, 2024).
Série photographique issue de SO WHAT?! Modèle Jona James.
Formats variables. Jet d’encre pigmentaire sur Hahnemühle Rag Baryta 315g. Tirages limités à 5 exemplaires / photographie.
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